I – Notice géographique
En un mémoire, adressé le 21 juillet 1706 à l’évêque de Gap, François Berger de MALISSOLES, il était dit : «La Bâtie-Neuve est un lieu considérable par le nombre et la qualité de ses habitants».
Nous nous proposons dans les pages qui vont suivre de démontrer le bien fondé de cette affirmation. Toutefois, faisons au préalable une rapide promenade dans le département des Hautes-Alpes riche de trois villes chargées d’Histoire : GAP, EMBRUN et BRIANCON pour situer notre village dans son milieu géographique.
GAP
GAP est inséparable de son cadre naturel, de son enceinte de montagnes, au Nord les névés du vieux Chaillol dominent le massif du Champsaur ; plus près le regard suit la ligne du Puy de Manse, du Chapeau de Napoléon, de Piolit et Chabrières pour revenir se fixer sur Ceuze, sur Charance et sur les deux collines qui se sont agglomérées à la ville : Puymaure et Saint-Mens. Au bord de la maigre rivière appelée LA LUYE, Gap est établie au fond de ce cirque. Ville prospère groupée autour de deux points cardinaux : le clocher de la cathédrale et le beffroi de l’Hôtel de ville. Ses rues du centre, la plupart étroites et sinueuses, la protègent contre la bise venue du Col Bayard. C’est aujourd’hui une ville active, animée et riante. Sa population a la réputation «d’être droite, honnête et civile».
Au XVIIIe siècle un ministre de l’Intérieur écrivait aux Gapençais : «Si votre territoire est peu fécond, il est du moins riche en vertus». Heureuse contrée ! Et en 1796 de leur souhaiter : «Oh ! Bons habitants de ces montagnes célèbres, conservez bien ces affections douces, le patriotisme sage et les mœurs ancestrales qui ont maintenu parmi vous la tranquillité».
Les choses n’ont point trop changé puisqu’à la suite d’un sondage national, GAP apparait en très bon rang parmi les villes où il fait bon vivre. Elle promet 350 jours de soleil par an. Elle a compté un grand nombre de personnages célèbres ; il n’entre pas dans notre propos de les évoquer ici. Toutefois nous ferons une exception pour le Baron de LADOUCETTE. Sa statue se dresse à l’entrée de la ville comme si les habitants avaient voulu se mettre sous sa protection, très bel hommage rendu à l’un de ses grands hommes, qui n’était pourtant pas alpin mais lorrain. Né en 1772 à Nancy, fils d’un avocat au Parlement de cette ville, il fut envoyé à Gap comme Préfet le 13 avril 1802. Il y demeura jusqu’en 1809. Septennat très fécond – ce préfet de moins de trente ans estima que sa tâche au lendemain d’une révolution, ne se bornait pas à rédiger des circulaires ou à prendre des arrêtés, ce qu’il fit toutefois car il fut en cette matière un administrateur exemplaire, mais parallèlement il entreprit de restaurer dans nos montagnes, une vie intellectuelle que la tourmente politique avait minée. Ce fut la création d’une société d’émulation, ancêtre de l’actuelle société d’études des Hautes-Alpes. Prêchant l’exemple il écrivit romans, nouvelles, contes, comédies, fables très connues et une histoire des Hautes-Alpes éditée trois fois en 1820, 1832 et 1848. Le souvenir de Ladoucette demeure très vivant à Gap. Son effigie de pierre reste l’immuable gardienne de la ville.
Si l’on en sort par la montée du col BAYARD, parvenu au sommet, la verte vallée du CHAMPSAUR s’étale, elle nait avec le DRAC dans la montagne d’ORCIERES, pays des ours depuis que St-MAYEUL, abbé de CLUNY, relâché par les Sarrazins, se fit une monture du fauve qui avait dévoré son mulet. L’une des branches du DRAC vient de là, l’autre a sa source à CHAMPOLEON, pays de fromages, car il y a deux DRAC : le DRAC Noir et le DRAC Blanc. Ils baignent le mamelon sur lequel St-BONNET est bâti. François de BONNE duc de LESDIGUIERES y naquit le 1er avril 1543. Par St-BONNET passe aussi la route de Napoléon. De Golfe Juan, elle monte vers les Alpes. L’Aigle, de clocher en clocher, jusqu’aux tours de Notre Dame de Paris, emprunte jusqu’à TALLARD la Vallée de la Durance, passe par GAP, puis par le CHAMPSAUR, la MATHEYSINE, file sur GRENOBLE, la capitale du Dauphiné. Le passage de l’Empereur est balisé aujourd’hui d’aigles aux ailes déployées. L’Empereur n’a pas fait halte à TALLARD, son château était en ruines.
En 1326 la terre de TALLARD, était une vicomté, la famille d’Arnaud de TRIAN possédait le château dès le XIVe siècle puis il appartint à la famille de CLERMONT. Une tradition affirme que le château compte autant de tours que de mois dans l’année, autant de portes que de semaines, autant de fenêtres que de jours, autant de marches d’escaliers que d’heures. Il a été classé le 20 mai 1927 sur l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques, et sa chapelle à deux niveaux, remarquable monument architectural du Moyen-âge, le 20 décembre 1897, comme monument historique. Aujourd’hui une restauration entreprise lui rend fière allure.
Revenons vers le DEVOLUY. Des hauteurs du Col du Noyer on y découvre un paysage lunaire.
«Ce pays est si sauvage, disait Victor HUGO, qu’on n’y entend pas le rossignol une fois en cinquante ans».
C’était des on-dit sans fondement, il n’y était jamais venu. Rejoignons le Parc National des Ecrins, domaine de la haute montagne : l’OLAN (3669 m), le GIOBERNEY (3351 m) où nous avons admiré la cascade du Voile de la Mariée et les Oulles du Diable, les BANS (3669 m), la Barre des Ecrins (4102 m) et la Meije (3982 m), qui pourrait figurer parmi les sept merveilles du Dauphiné.
BRIANCON
Avançons encore et nous voici en face de la VALLOUISE qu’il ne faut pas quitter sans avoir admiré la fresque des vertus et des vices qui orne la façade de la Chapelle des VIGNEAUX, nous frôlons AILEFROIDE et sommes aux portes de BRIANCON. Peu d’histoires à l’intérieur de nos frontières valent celles du Briançonnais, elles enseignent l’indépendance. BRIANCON «petite ville, grand renom» est devenue la devise de la plus haute ville d’Europe (1326m), St-VERAN tout proche étant le plus haut village d’Europe. VAUBAN envoyé par le roi LOUIS XIV la dota d’un système défensif : la forteresse admirable aux portes de l’Italie. Elle renferme aussi une des sept merveilles du Dauphiné : la Manne de BRIANCON, «on la dit larmes figées d’une nymphe amoureuse ou cette précieuse rosée qui fut jadis le pain du peuple de Dieu». Moins poétiquement «on trouve sur le mélèze, sorte de pin fort abondant sur les montagnes d’auprès la ville de Briançon, tous les matins du mois d’août une céleste rosée qui s’épaissit et se convertit en gomme si nécessaire à la médecine», nous explique Nicolas CHORIER en son Histoire Générale du Dauphiné. Au temps jadis, il se tenait aussi en cette ville une foire aux Maîtres d’école, grâce à quoi sans doute l’on a pu se dire qu’au XIXe siècle, le Briançonnais était la contrée de France où l’instruction primaire y était la plus répandue. D’autres richesses se découvrent aussi chez les fabricants de jouets du QUEYRAS, les ébénistes d’Aiguilles et d’Arvieux, les lainiers, les producteurs de fruits et légumes, les stations de ski, les lycées d’altitude, les établissements de soin…
EMBRUN
Avant de quitter le Briançonnais nous visiterons MONT DAUPHIN et son village fortifié, CHATEAU QUEYRAS et son fort, et nous arriverons à EMBRUN. Si BRIANCON fut une des «clefs de la patrie», EMBRUN en fut longtemps la ville sainte. Juchée sur son roc de poudingue dominant la Durance de ses quatre-vingt mètres, voici la capitale des Alpes Cottiennes, citée par STRABON et PLINE. Avec St-MARCELLIN, son premier évêque, elle devient chrétienne, en 771. St-MARCEL, confesseur de CHARLEMAGNE bâtit la cathédrale, CHARLES VII consulta l’évêque Jacques GELU au sujet de Jeanne d’ARC, François de TOURNON négocia la liberté de François Ier, Guillaume d’AVANCON résista à Lesdiguières qui prétendait entrer dans Notre-Dame du Réal, à cheval, le Cardinal de TENCIN y condamna SOANEN, évêque de Senez et le jansénisme provençal en 1727.
EMBRUN donnera un Pape, dix cardinaux, seize Saints, des poètes Jacques JACQUES, Clovis HUGUES… on ne se lasserait pas de vanter ses mérites. Ceux aussi de la cathédrale comblée de dons par la Reine Jeanne, Charles VII et Charles VIII qui l’ont eu en très singulière vénération, Louis XII, François Ier, Henri II, Louis XIII qui l’ont visitée et se sont assis dans sa stalle d’honneur en leur qualité de premiers chanoines de cette métropole , les rois d’Angleterre qui lui ont envoyé de riches présents, Louis XI qui lui offrit les orgues aux tuyaux d’argent, mais les réformés s’en emparèrent et elles ne furent restaurées qu’au XVIIIe siècle. Elle était réellement Notre-Dame des Rois. Toute la ville et ses monuments méritent d’être vus, et l’on quitte EMBRUN à regret. Il serait injuste de ne pas signaler à proximité la petite ville de CHATEAUROUX, sa cascade est à voir. On y parvient par les alpages de l’HIVERNET (2823 m) et le vallon de la RIBIERE.
Puis voici la forêt de BOSCODON et sa célèbre abbaye chalaisienne dominée par des cimes de près de 3000m, classée monument historique en 1972, car «élément» du patrimoine haut alpin, lieu de recueillement, mais aussi lieu ouvert à ceux qui admirent l’architecture romane et à tous ceux qui sont sensibles à la beauté d’un site où l’œuvre monumentale s’adapte si bien à la vaste forêt voisine et à la majesté des sommets environnants.
La plateforme sur laquelle l’abbaye est construite domine la retenue de SERRE-PONCON, le plus grand barrage artificiel d’Europe, aventure extraordinaire à tous points de vue : dans le domaine de la technique, dans le champ d’application de la science, dans la beauté que les eaux bleues du lac confèrent au site, dans les richesses que le tourisme apporte depuis à la région. SERRE-PONCON mérite d’être appelée le miracle de l’homme. Avant de franchir le pont de SAVINES, il faut faire un crochet vers le SAUZE pour admirer les DEMOISELLES COIFFEES, curieux phénomène d’érosion, elles existent aussi en plus grand nombre dans leur «salle de bal» de COLOMBIS. Vous trouverez à SAVINES une nouvelle manifestation de l’art religieux dans son église triangulaire, avec son allure générale de navire, dont le clocher serait l’étrave, avec, pour figure de proue, la croix, due au talent d’Achille de PANASKET. La route superbe qui borde le lac et ses criques nous amène jusqu’à CHORGES, capitale des Caturiges et nous descendons vers JARJAYES, REMOLLON, VALSERRES, pays de vigne pour nous rafraichir de leur bon vin. Nous serons sobres car nous approchons de la montagne du LAUS, lieu de pèlerinage, haut lieu marial où Benoite RENCUREL, une humble bergère de la vallée de l’AVANCE, fut favorisée en 1664 et pendant un demi-siècle, d’apparitions de la Bonne Mère. Notre-Dame du LAUS attire des milliers de pèlerins chaque année, Mgr DEPERY, en 1854, faisait valoir au Pape Pie IX, que chaque année y sont données plus de cent mille communions, il prit un soin particulier de tous les lieux sanctifiés par la présence de la Vierge : l’ancienne chambre de Benoite, l’oratoire du vallon des Fours, la chapelle du Précieux Sang, l’hôtellerie Sainte Marie… Son soutien efficace vient de recevoir, en 2008, la consécration officielle du Vatican, ce sanctuaire alpin est reconnu lieu d’apparitions, comme le sont LOURDES, NOTRE-DAME DE LA SALETTE et FATIMA.
Et de l’autre côté de la montagne c’est la BATIE-NEUVE. Nous allons raconter maintenant «ce lieu considérable».