Les fouilles de Faudon
Théodore GAUTIER, dans son Histoire de la ville de Gap et du Gapençais nous dit :
«Il y a proche de la Bâtie-Neuve, une montagne appelée SAINT-PHILIPPE, au haut de laquelle il y a comme un gouffre, rempli de terre, duquel sort une source noire. Ce gouffre est nommé Les CASSES de FAUDON ».
Ce site a toujours paru mystérieux, peuplé de puissances obscures.
La Préhistoire y voit le rivage de la mer de NUMMULITES, genre de foraminifères, petits animaux généralement répandus dans les mers chaudes, recouverts d’un coquille dure, percée de nombreux trous ou d’une seule ouverture large. Ils datent de l’époque jurassique. On y découvre d’innombrables dépôts de fossiles en forme de disque, appelés les lentilles. Ils font naître une première légende : un pèlerin marchant là sur ce sentier des lentilles, avise un paysan qui sème son champ tout proche de ces légumineuses. « Que semez-vous, lui dit-il ? » Pour se moquer l’homme lui répond : « Je sème de petites pierres ». « Eh bien, mon brave, réplique-t-il, vous ne récolterez que de petites pierres ! » De fait, lors de la récolte, les légumes s’étaient métamorphosés en ces petits disques que les touristes ne manquent pas de ramasser lors de leurs excursions. Il faut voir là, la première intervention du Diable dans ce Faudon, qui fut plus tard, une de ses résidences attitrées. Les géologues se sont intéressés à ce site, Charles LEVY cite Faudon dans sa description géologique du Dauphiné comme LADOUDETTE dans son Histoire des Hautes-Alpes.
A l’époque gauloise, un village de 80 habitants abritait la tribu des TRICORIENS, ce qui ne surprend pas car depuis l’époque romaine, FAUDON fut un lieu de passage très fréquenté. Une voie traversait la Cassa et son importance était telle qu’au Moyen Age, un château fort fut élevé sur le sommet de Saint Philippe, sans doute au XIe siècle où il subsista jusqu’en 1210 environ. L’habitation continue du site de Faudon correspond au moment de sa fortification, soit entre 1030 environ et 1209, l’enceinte devait être en bois, peut être en chêne, prélevé dans le forêt de Montreviol toute proche, un chemin encore partiellement visible au début du XXe siècle en permettait le transport à force de bœufs ou de mulets jusqu’au sommet de St-Philippe. Le donjon et son enceinte vont être construits sur le modèle de celui de Gap ; le comte ROUX de Faudon vivait à Gap, en compagnie de sa sœur DOUCE il fit construire en même temps le donjon de Gap, punition infligée par le comte de FORCALQUIER, propriétaire de la ville, à la suite de la rébellion de ses habitants contre son autorité, punition assortie d’une demande en paiement de 40 000 sols, le 1er août 1184, à régler dans un délai aussi rapproché que possible. L’évêque devenu indépendant du Comte en 1178, ne voyait pas d’un bon œil l’existence du donjon de Faudon, il va faire édifier des « places d’approche » qui s’avancent de plus en plus vers le sommet de Faudon : ce sont RAMBAUD, en 1184, LA BATIE-NEUVE, en 1238. Ce n’est qu’au XIe siècle que le nom de Faudon va être porté par une famille. Dans un acte de 1044, Richard DE FAUDON figure au premier rang des vassaux du Comte de Provence. Il devint très vite « l’homme » du Comte ; associé au seigneur de Jarjayes, il eu la charge d’administrer les domaines du Comte en son absence. Son enrichissement en découle.
Avec La Batie-Vieille, ces châteaux barrent le passage aux Embrunais pour protéger Gap, de plus les places de Montreviol et de Tournefort étaient destinées à couper les communications de Faudon avec la ville épiscopale ou celles du Champsaur avec Gap. En 1265 il n’est plus question du château de Faudon, les fouilles permettent de constater que le donjon a été détruit par le feu et le site rasé sur l’ordre de l’évêque et des représentants de la commune de Gap, sans doute entre 1210 et 1214. Mais après l’incendie du château, les habitants émigrèrent avec leur seigneur vers le château d’ANCELLE où plusieurs d’entre eux possédaient des terres. La route SOUBEYRANE resta un lieu de passage : Louis XI l’emprunta en 1449, lorsqu’il vint faire don à la Cathédrale d’Embrun de ses orgues magnifiques, Charles VIII en 1490, Louis XII en allant guerroyer en Italie en 1499, François 1er en 1515 et en 1525, Louis XIII et Richelieu en 1629 en furent les derniers voyageurs royaux. La famille des comtes de Faudon survécut à son infortune : Pierre de Faudon est établi à Gap en 1313 comme apothicaire, en 1545 Gratien de Faudon est un riche propriétaire immobilier dans cette ville, en 1530 son frère Antoine fonde la chapelle dite du Mont Calvaire, près le pont de la Madeleine, au confluent de la Luye et du torrent de Grimaud. Mais ses fils, chargés de dettes vendent leurs domaines gapençais, Gratien, frère d’Antoine était coseigneur de Chaillol et après ses descendants Guillaume et Jacques, la lignée tomba «en quenouille».
A la fin du XVIe siècle, nous dit Georges de MANTEYER, « les anciens maîtres de Faudon » se trouvaient arrivés au plus bas de ce chemin qu’ils ne pouvaient plus remonter, ils disparurent dans l’obscurité et l’on ne parla plus du site jusqu’à ce que nos chercheurs du XXe siècle MM. BRENIER, PERROT et MARTIN ne décident d’en opérer les fouilles. Dès leur rencontre, munis de l’autorisation du Maire d’Ancelle, les chercheurs purent faire commencer les travaux, c’est-à-dire déblayer sur le faîte de Faudon, les terres de surface pour faire apparaître les substructions des murs que l’on présumait enfouis. Ce qui fut fait en 1907. Le 10 juillet, le plan du site et des murs, le plan de l’enceinte et de ses trois logis furent établis. Ils peuvent être consultés dans le Bulletin de la Société d’Etudes des Hautes-Alpes du deuxième trimestre 1908, avec les cartes en fin de l’article de Georges de Manteyer.